Culture et Lesbophobie
Dans la littérature et le théâtre, on peut citer des écrivaines lesbiennes ou bisexuelles qui ont décrit dans leurs œuvres romancées et/ou autobiographiques leurs expériences et constats, qu’il s’agisse des questions de rapport au corps, à la famille, à leur orientation sexuelle et à la société en général. Cette liste non exhaustive d’auteures contemporaines (du XIXè siècle à nos jours) inclut : Djuna Barnes, Nina Bouraoui, Véronique Bréger, Judith Butler, Colette, Lucia Etxebarria, Barbara Grier, Bertha Harris, Cy Jung, Sarah Kane, Audre Lorde, Violette Leduc, Adrienne Rich, Susan Sontag, Gertrude Stein, Marina Tsvetaeva, Sarah Waters, Monique Wittig, Virginia Woolf. Il faut néanmoins noter que la traduction tardive voire l’absence de traduction des auteures non francophones rendent l’accès aux œuvres difficile pour les lesbiennes non anglophones. Par exemple, Adrienne Rich n’a été publiée en Français qu’en 2010, de la même façon Trouble dans le genre de Judith Butler n’a été traduit et diffusé en France que 10 ans après sa sortie aux Etats-Unis.
Néanmoins, on peut observer une évolution positive dans le domaine de la bande dessinée depuis les années 2000. En France, Blandine Lacour a ouvert la voie de la BD lesbienne avec La p'tite Blan, qui raconte les mésaventures d'une lesbienne "100 % trentenaire et cynique". Elle a rapidement été suivie par Lisa Mandel, auteure de Princesse aime princesse et de Esthétique et filatures. Cette dernière explique d’ailleurs très bien l’importance que revêtent ces publications : "Les personnes qui ne voient pas l'intérêt qu'il y a à faire une BD lesbienne ne comprennent tout simplement pas que nous avons besoin d'avoir des héroïnes qui nous ressemblent. Il ne s'agit pas de ghettoïsation, mais d'identification […]. Je ne connais aucune fille pour qui il a été facile de revendiquer et d'assumer son homosexualité. Se retrouver dans un personnage permet de parler de choses sérieuses, voire douloureuses pour dédramatiser la situation." Enfin, Le bleu est une couleur chaude de Julie Maroh, succès du festival de la BD d’Angoulême en 2011, a permis de mettre en lumière la possibilité pour une œuvre lesbienne de rencontrer le grand public. Une adaptation cinématographique réalisée par Abdellatif Kechiche est d’ailleurs en cours.
Enfin, on peut aussi noter un effort dans le livre jeunesse avec la publication en 2010 d’un détournement de conte de fées pour les petits, La princesse qui n’aimait pas les princes d’Alice Brière-Haquet.
Il est intéressant de constater qu’à l’étranger aussi, la bande dessinée est un important support d’expression et de communication pour les lesbiennes.
Au Japon, l’univers des Mangas est nettement plus ouvert aux questions lesbiennes, puisqu’un genre lui est même consacré : le Yuri. On qualifie de yuri un récit traitant de l’homosexualité féminine.
Love my life de Yamaji Ebine est le premier ouvrage de ce genre paru en France en 2001, rapidement suivi de Sweet Lovin’ Baby, Indigo Blue, Free Soul et Au temps de l’amour.
Aux Etats-Unis, c’est Alison Bechdel qui connaît un grand succès public et critique avec son roman graphique et autobiographique, Fun Home.
En suède, Frances de Joanna Hellgren traite plus largement de la condition des femmes, tout en accordant une part importante à un personnage ouvertement lesbien, représentant la liberté et interrogeant ainsi, en miroir, les autres personnages féminins.
Dans le spectacle vivant, rares sont les artistes qui s’affichent ouvertement comme lesbiennes, surtout en France. Une petite exception historique dans les années 30-40 avec quelques femmes artistes issues de la mouvance « garçonne » et ouvertement lesbiennes : la chanteuse Suzy Solidor, la photographe Claude Cahun, la peintre/sculpteure Tamara de Lempicka et la réalisatrice Dorothy Arzner. Aujourd’hui, les « coming out » d’artistes lesbiennes ou l’affirmation de leur orientation sexuelle dès le début de leur carrière sont assez répandues dans le monde anglo-saxon. Chez les actrices/réalisatrices on peut citer : Lily Tomlin, Cynthia Nixon, Ellen De Generes, Leisha Hailey, Wanda Sykes, Portia De Rossi. Néanmoins, la pression hollywoodienne a forcé certains coming out (Jodie Foster) et a eu raison d’autres. On peut citer le cas de Anne Heche qui suite à sa rupture avec Ellen De Generes a affirmé qu’elle n’avait jamais été lesbienne, peut-être parce que comme elle l’a dit elle-même : « My lesbian love killed my career » [Mon histoire d’amour lesbienne a tué ma carrière]. Dans l’industrie musicale anglo-saxonne, la question de l’orientation sexuelle semble être gérée avec moins de difficultés. Joan Jett, Krystle Warren, Beth Ditto, Samantha Fox, KD Lang, Lady Sovereign, JD Samson et bien d’autres comptent parmi les musiciennes/chanteuses ouvertement lesbiennes. Pourtant des artistes comme Tracy Chapman, qui s’affiche publiquement avec ses compagnes, refusent de communiquer sur le sujet. Dans le domaine de la photographie, on peut aussi citer Annie Leibovitz et Catherine Opie. En France la question reste nettement plus délicate et peu publicisée en dehors de quelques exceptions : Juliette, Marie-Paule Belle, Angélique Kidjo et Catherine Lara. Il est intéressant de noter que comme l’a fait remarquer Natacha Chetcuti, le couple est une manière privilégiée de se dire et de se révéler socialement lesbienne (on préfère dire à sa famille et plus largement au grand public qu’on vit avec une femme que de déclarer : « Je suis lesbienne »). Le cas de Muriel Robin qui a fait son coming out en se pacsant avec sa compagne en 2009, illustre bien ce processus difficile de construction de soi comme lesbienne dans la sphère publique.